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Le Zen, d’Orient en Occident

Le Zen remonte à l’expérience de l’éveil réalisé par le Bouddha Shakyamuni, il y a 2 500 ans en Inde. Transmis en Chine au VIe siècle par Bodhidharma, il s’épanouit dans ce pays sous le nom de Ch’an. Il connaît alors un grand rayonnement grâce à de nombreux maîtres célèbres. Le zen Soto se diffuse ensuite au Japon au XIIIe siècle sous l’impulsion de Maître Dôgen, l’un des plus grands religieux et philosophes bouddhistes. Aujourd’hui, le Zen, après avoir profondément influencé la pensée, la culture et l’art de vivre en Extrême-Orient, est implanté en Europe à partir de la graine semée par Maître Taisen Deshimaru.

Zen, mode d'emploi | les fondamentaux de la pratique

Zazen, le coeur du Zen 

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Zazen est la posture assise, corps et esprit unifiés, la « seule grande affaire » disait Dôgen (1200 – 1253). Bien qu’il s’agisse d’un tout indivisible, on peut l’aborder sous trois aspects : posture physique, respiration et attitude de l’esprit. La posture est précise, elle exige de la concentration et un certain effort au début. Les jambes sont croisées, le bassin basculé de façon à ce que le ventre soit relâché, la colonne vertébrale étirée, le menton rentré pour redresser la nuque et pousser vers le haut avec le sommet du crâne, les épaules et le dos sont détendus, les mains (la gauche dans la droite) reposent sur le haut des cuisses, tranchants contre le bas-ventre et extrémités des pouces en contact. C’est une posture énergique, bien ancrée dans le sol, tonique mais sans tension ni violence. Elle évolue tout au long de la pratique et n’est jamais acquise. La bascule du bassin, la rectitude de la colonne vertébrale et le relâchement de l’abdomen permettent de placer la respiration. La respiration en zazen est une respiration abdominale, longue, profonde et silencieuse. Une attention toute particulière est accordée à l’expiration, l’énergie descendant dans le bas ventre, sous le nombril, à mesure que les poumons se vident. C’est une respiration naturelle, douce et ample, qui a le mérite d’apaiser l’esprit et de l’élargir jusqu’aux confins de l’univers. Il n’y a pas de fin non plus à l’observation et à l’étude de la respiration. L’art le plus subtil réside dans l’attitude de l’esprit, inséparable des deux points précédents. Comment pense-t-on pendant zazen ? « Penser sans penser, penser du tréfonds de la non-pensée », disait Maître Deshimaru. L’esprit zen est vaste. Comme un miroir, il ne s’attache à rien et ne refuse rien. Les pensées s’élèvent et passent sans qu’on les entretienne ni les combatte. Simplement observer, sans jugement, et revenir à la posture et à la respiration. Tout le reste découle de là. Par zazen, on renoue avec sa condition originelle, sa nature propre, avant les idées personnelles, les pulsions et les attachements. C’est une source inépuisable d’énergie, de bonheur et de créativité.

posture de zazen

Le kusen (enseignement oral)

Pendant zazen, un enseignement est dispensé : c’est le kusen. Le kusen ne vise pas à la transmission d’un bagage intellectuel ou d’une doctrine, comme le ferait une conférence ou un cours magistral, mais à l’approfondissement de la pratique. Enseignement oral, né et reçu dans l’instant, il met en jeu une triple dynamique, ou triple interaction. Interaction entre la personne chargée de l’enseignement et les autres pratiquants. Dans le dojo, où tout le monde et chacun s’adonne à la pratique de la posture d’éveil, l’échange énergétique est constant. Le dirigeant s’appuie sur l’énergie qui émane des postures pour enseigner, et en retour les pratiquants s’appuient sur le kusen pour entrer plus profondément dans la posture, corps et esprit unifiés. Ce processus est d’autant plus puissant qu’il est inconscient, sans interférence de l’intellect. Interaction entre l’enseignement des maîtres du passé et l’expérience intime ici et maintenant. En règle générale, le dirigeant, ainsi que les pratiquants anciens, ont une certaine connaissance des enseignements écrits. À travers le kusen, cette connaissance textuelle refleurit dans le cerveau profond, fécondée par l’expérience intime de la pratique de zazen. Ainsi s’instaure une dialectique très enrichissante entre théorie et pratique, dans laquelle les « mots et la lettre » n’ont pas d’autre mérite que de corroborer et d’éclairer l’expérience intime. Interaction entre la sagesse et les comportements, entre la conscience et le karma. Émanant de la conscience profonde et s’adressant à la conscience profonde, le kusen agit comme une graine, qui mûrit dans les profondeurs de l’inconscient et dont les fruits apparaissent tout naturellement dans la manière d’être, les comportements quotidiens et les relations à autrui.

Le kyosaku

(bâton d’enseignement)

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Pendant zazen, lorsque le dirigeant le juge opportun, un responsable passe dans les rangs, muni d’un bâton qu’on appelle kyosaku. Les pratiquants qui éprouvent des difficultés à se concentrer – somnolence ou excès d’agitation – peuvent alors demander à recevoir le kyosaku. Ils joignent les mains devant eux à hauteur des yeux et, quand le responsable leur touche l’épaule avec le kyosaku, ils s’inclinent, d’abord à gauche et ensuite à droite, pour recevoir un coup de bâton sur chaque épaule. Bien administré, le kyosaku n’est pas douloureux ; il a un effet immédiat, tonique et apaisant, non seulement pour celui qui le reçoit mais pour tous les pratiquants, car le claquement des coups de bâtons réveille et tonifie.

Kinhin

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Au milieu de la séance de zazen viennent s’intercaler quelques minutes de marche qui servent à délasser les muscles et les articulations. Kinhin est une marche rythmée par la respiration et alternant tension et détente. La respiration et l’attitude de l’esprit sont les mêmes qu’en zazen. De cette marche lente, dont émanent puissance et dignité, Maître Deshimaru disait qu’elle est la racine des arts martiaux.

Le mondo

(question-réponse)

De tout temps, les adeptes de la voie bouddhique ont testé mutuellement leur compréhension de la Loi. Dans le mondo tel que nous le connaissons aujourd’hui, l’enseignant invite les autres pratiquants à lui poser des questions à l’issue d’une séance de zazen. L’échange se déroule donc devant l’assemblée réunie, pour l’édification de tous, et non pas dans le cadre plus secret d’un tête à tête.

La cérémonie

Les séances de zazen se terminent par une cérémonie, qui consiste en chants rythmés par le mokugyo (un tambour dont le nom signifie poisson de bois), le gong et la clochette et ponctués de prosternations. Le rituel, dans le zen, exclut toute notion de dualité, et donc de culte ou de vénération rendue à un objet extérieur. Ainsi les prosternations (sanpai) sont un geste d’unité entre le haut et le bas, le corps et l’esprit, l’homme et le cosmos. Les prosternations et les chants sont simplement l’actualisation de l’esprit de zazen avant le retour à la vie quotidienne, une manière de renouer avec le mouvement et l’expression au sortir de la concentration immobile et silencieuse. Conçue de la sorte, la cérémonie est un excellent miroir de l’harmonie qui règne dans le dojo comme en chacun des pratiquants.

Sesshin

( journées de zazen)

La régularité de la pratique est fondamentale et, au bout d’un certain temps, chacun trouve son propre rythme. Mais on peut parfois éprouver le besoin de s’immerger plus totalement dans le monde de zazen. Les sesshin offrent cette opportunité. Ce sont tout simplement des périodes un peu plus longues et intensives de pratique de zazen, d’une demi-journée à plusieurs jours. Le dojo devient alors le cœur de l’activité et de la vie. Tout est organisé de façon à ce que les autres tâches – samu (voir plus haut), repas, sommeil – s’enchaînent harmonieusement et naturellement, sans effort et sans choix. En sesshin, il suffit de suivre les autres et de se laisser porter par la pratique. L’esprit s’apaise et l’on descend profondément en soi-même. Il n’existe pas meilleure manière de se mettre en « vacance », au sens fort du terme.

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